Mémoire, vieillissement normal et prévention
Le « Programme Mémoire et vieillissement » s’adresse aux personnes âgées en bonne santé qui ont des questions ou inquiétudes à propos de leur mémoire. Ce programme permet de mieux comprendre comment la mémoire fonctionne, les habitudes de vie modifiables qui peuvent influencer notre mémoire et des stratégies efficaces pour faciliter l’apprentissage et le rappel.
Ci-dessous, vous trouvez un avant-goût du programme. Si vous êtes intéressé(e) à participer à ce programme ou à l’offrir dans votre communauté, veuillez contacter Geneviève Quintin, directrice adjointe du Centre de santé cognitive de Glendon, à l’adresse suivante : gquintin@glendon.yorku.ca
Un peu à propos de la mémoire
Il faut comprendre que la mémoire n’est pas un concept unitaire. Il existe plusieurs types de mémoire qui occupent différentes fonctions, mais qui sont tous sous-tendus par 3 processus.
Si on éprouve des problèmes avec l’un ou plusieurs de ces processus, ceci interférera avec le bon fonctionnement de la mémoire.
Quant aux types de mémoire que nous avons, le premier type de mémoire est notre mémoire sensorielle. Elle permet d’appréhender l’information de nos sens, mais ne conserve l’information que très brièvement (i.e., de quelques millisecondes à une ou deux secondes.)
Nous avons aussi la mémoire de travail, un système de rétention à court terme, qui possède une capacité limitée et une durée de quelques secondes. Elle permet de maintenir l’information « en ligne » lors de l’exécution de tâches de compréhension, de raisonnement et de résolution de problèmes. Par exemple, si votre conjoint vous demande de retirer de l’argent avec sa carte et vous dit que son NIP est 1556. Vous allez répéter dans votre tête 1556…1556…1556, car si vous ne le faites pas, vous risquez d’avoir oublié le NIP lorsque vous arriverez au guichet.
Une autre forme de mémoire est la mémoire procédurale. C’est un type de mémoire non consciente, aussi appelée mémoire implicite, qui joue un rôle important dans l’apprentissage d’habiletés et d’habitudes acquises à partir de pratiques répétitives. Il s’agit, en quelque sorte, de la mémoire du savoir-faire, comme, par exemple, comment faire du vélo ou conduire une voiture.
Nous possédons aussi des formes de mémoire explicite ou consciente telles que la mémoire sémantique et la mémoire épisodique. La mémoire sémantique correspond à nos connaissances générales sur le monde. Ce système rend possible l’encodage et le rappel d’informations factuelles et de concepts non reliés à un contexte temporel ou spatial particulier. Par exemple, savoir que la ville de Toronto est située au Canada fait intervenir la mémoire sémantique. Par contre, le rappel d’une visite personnelle à Toronto dépend de la mémoire épisodique, qui permet le codage spatiotemporel de l’information à enregistrer et l’évocation consciente d’expériences personnelles. Il s’agit d’une mémoire autobiographique.
Puis, nous avons la mémoire prospective, elle permet de se rappeler de faire quelque chose dans le futur. Par exemple, se rappeler que vous avez un rendez-vous chez le médecin lundi prochain.
Environ 11% de la population canadienne de plus de 70 ans souffre d’une maladie neurodégénérative dont la maladie d’Alzheimer est la plus connue. Ceci veut dire que la grande majorité des personnes âgées ne connaitront pas de changements anormaux à leur mémoire. Néanmoins, des changements normaux associés avec le vieillissement peuvent être inquiétants. Les recherches menées à ce sujet montrent que des sentiments exagérés d’inquiétude vis-à-vis la mémoire ont un impact négatif sur l’estime de soi, les relations et sur les activités récréatives et professionnelles.
Sur le plan démographique, les personnes qui s’inquiètent beaucoup de leurs changements de mémoire normaux sont généralement des femmes bien éduquées.
À quoi ressemble ces changements de mémoire normaux?
La mémoire sémantique et la mémoire procédurale ont tendance à rester stable avec le vieillissement. Toutefois, la mémoire prospective diminue avec l’âge si nous n’utilisons pas d’aide-mémoire comme, par exemple, des rappels sur votre téléphone intelligent. Cependant, lorsque l’on utilise un aide-mémoire, il y a très peu de changement. Quant à la mémoire de travail, elle tend à montrer un déclin à mesure que les gens vieillissent, car une région importante à son fonctionnement, le cortex préfrontal, est particulièrement affectée par les changements qui s’opèrent dans notre cerveau avec l’âge. La mémoire épisodique décline aussi avec le vieillissement.
Si nous nous penchons sur les trois processus importants pour la mémoire énoncés précédemment, le stockage de la mémoire est peu affecté par l’âge. De son côté, l’encodage de l’information a tendance à devenir un peu plus difficile en vieillissant car des déclins sont souvent présents au niveau attentionnel et sensoriel, tels que des pertes d’acuité visuelle ou auditive. Cependant, le rappel est le processus qui est le plus touché des trois, parce qu’il implique plusieurs régions du cerveau qui changent avec l’âge, y compris le cortex préfrontal. Les plus grandes différences sont observées lorsque l’on doit récupérer de l’information en mémoire sans que l’on nous donne d’indices; c’est ce que l’on appelle un procédé de rappel libre. Les différences sont plus petites lorsque l’information est sélectionnée à partir d’une liste de réponses possibles; une tâche nommée reconnaissance. C’est pourquoi un examen à choix multiples peut sembler plus facile qu’un examen avec des questions à développement; le premier fait appel à la reconnaissance pour répondre aux questions tandis que le deuxième repose sur le rappel libre.
Facteurs pouvant affecter votre mémoire
Alimentation
Un facteur qui peut affecter votre mémoire est votre alimentation. Les recherches démontrent que les personnes âgées sont plus susceptibles de ressentir les effets d’un manque de vitamines et nutriments, telles que la vitamine B12. Il est donc important de consommer assez de nourriture, surtout des aliments comme des fruits et légumes qui contiennent beaucoup d’éléments nutritifs. Des nombreuses études chez les humains et les animaux démontrent qu’une alimentation forte en gras saturés et cholestérol a un effet négatif sur la mémoire. Une alimentation variée et saine a un effet protecteur sur la mémoire en réduisant les risques de développer le diabète, des problèmes cardiaques ou avoir un accident vasculaire cérébral.
Exercice physique
L’exercice physique est aussi un aspect important car il est reconnu comme bénéfique pour votre cerveau à court terme et à long terme. Immédiatement après avoir fait de l’exercice, même s’il ne s’agit que d’une marche de 30 minutes, les gens performent mieux sur des tests de mémoire que ceux qui étaient assis sans bouger. À long terme, les gens qui font plus d’exercice démontrent une meilleure mémoire et un risque plus faible de développer une démence. Des recherches démontrent clairement que l’exercice physique régulier stimule la neurogénèse, ou le développement de nouvelles cellules nerveuses, particulièrement dans l’hippocampe. Donc, l’inclusion d’activité physique régulière dans notre style de vie est un facteur important au maintien de la santé cognitive.
Engagement cognitif
Votre niveau d’activité ou engagement cognitif peut aussi influencer votre santé cognitive. Il est important de vous continuer à apprendre ou découvrir de nouvelles choses que ce soit d’apprendre à une nouvelle langue, lire, pratiquer un instrument ou prendre une nouvelle route durant votre marche quotidienne. Les recherches suggèrent que les activités sociales engageantes, celles qui nous demandent d’interagir avec les autres, sont particulièrement bénéfiques. Les gens qui sont impliqués dans plusieurs activités qui sont cognitivement et socialement engageantes performent souvent mieux sur des tests de mémoire que les gens qui font moins d’activités.
Stress
Le stress provient généralement de situations sur lesquelles vous ne sentez pas avoir de contrôle ou d’événements majeurs qui créent beaucoup de changements. En réponse au stress, le corps produit une hormone qu’on appelle le cortisol. Un niveau élevé de cortisol est associé avec des changements dans le cerveau et une diminution de la mémoire. Heureusement, l’effet du cortisol sur la mémoire est réversible alors il est important de trouver des façons de diminuer votre niveau de stress. Des activités relaxantes peuvent vous aider à gérer votre stress, que ce soit de jardiner, écouter de la musique ou marcher. Vous pouvez aussi vous tourner vers des techniques plus formelles de relaxation comme la méditation ou la visualisation, si vous le désirez.
Attitude
Votre attitude par rapport à votre mémoire peut devenir une prophétie qui s’accomplit d’elle-même. Les individus qui ont peu confiance en leur mémoire et qui croient avoir peu de contrôle sur leur mémoire ont généralement des habiletés en terme de mémoire qui sont plus mauvaises. Il est donc important d’attaquer des situations où vous devez vous rappeler de nouvelles informations en pensant que vous serez capable de le faire! Des programmes comme le « Programme mémoire et vieillissement » peuvent vous donner les outils pour vous rendre plus confiant(e).
Thyroïde
Les problèmes de la glande thyroïde sont plus fréquents avec le vieillissement et peuvent causer des problèmes de mémoire. Ces difficultés cognitives peuvent souvent être adressées en traitant la condition médicale sous-jacente, mais néanmoins, elles persistent pour certains individus malgré l’utilisation de médicaments.
Anxiété et dépression
L’anxiété et la dépression sont aussi des problèmes médicaux qui altèrent le fonctionnement de différentes régions du cerveau et peuvent donc avoir un impact sur la mémoire. Il semble particulièrement que les difficultés de concentration associées avec ces conditions interfèrent avec la capacité à capter et encoder l’information. De plus, les changements émotionnels qui accompagnent la dépression et/ou l’anxiété font que les gens perçoivent souvent leurs problèmes de mémoires comme pires qu’ils ne le sont vraiment. Ces changements cognitifs et émotionnels sont généralement réversibles lorsque ces conditions sont traitées.
Hormones
Les changements hormonaux dans les niveaux d’estrogène et de progestérone qui se produisent avec la ménopause peuvent aussi affecter la mémoire chez les personnes âgées. De plus, la ménopause s’accompagne de symptômes comme des changements au niveau de l’humeur et des troubles de sommeil qui auront un effet sur la cognition. Le manque de sommeil a un effet néfaste sur les capacités attentionnelles. De plus, nous savons que le sommeil est crucial pour la consolidation de souvenirs.
Médicaments
Certains médicaments peuvent avoir des effets secondaires sur la mémoire. Par exemple, les anciennes générations d’antidépresseurs (ex.,Elavil, Nardil) sont reconnues comme pouvant causer des difficultés de mémoire, mais ceci est beaucoup plus rare avec les nouveaux médicaments (ex., Celexa, Paxil, Zoloft) qui sont généralement prescrits. Les benzodiazépines (ex., Valium, Ativan), des médicaments qui peuvent être prescrits pour contrôler l’anxiété et aider avec le sommeil, causent aussi des effets problématiques sur la cognition. De plus, les antihistaminiques, surtout ceux qui causent de la somnolence, peuvent affecter la mémoire; les nouveaux antihistaminiques sans somnolence ne sont habituellement pas associés à ce problème. Si vous observez des effets secondaires cognitifs à la suite de la prise de médicaments, il est important d’en discuter avec votre médecin pour voir s’il y aurait des traitements alternatifs possibles.
Cinq stratégies pour améliorer votre mémoire
Dans le « Programme mémoire et vieillissement », nous vous proposons 5 stratégies pour améliorer votre mémoire. Ces stratégies s’appuient sur des résultats d’études scientifiques. Un acronyme pour aider à se rappeler de ces stratégies est le mot VOLER. Ces lettres représentent les techniques suivantes : Voir et dire; organiser; lier l’information; écrire; récupérer l’information. Tel un oiseau, votre mémoire pourra voler à pleines ailes si vous utiliser ces stratégies.
Un scénario de la vie quotidienne peut nous aider à illustrer l’utilité de cette stratégie. Vous quittez la maison pour aller faire des courses. Tout à coup, vous vous demandez : « Est-ce que j’ai verrouillé la porte? »
Il s’agit d’une expérience commune, particulièrement en vieillissant. Qu’il s’agisse de se rappeler si l’on a fermé la fenêtre de la cuisine avec de quitter la maison ou si on a pris ses médicaments ce matin, plusieurs problèmes de mémoire sont en fait plutôt des problèmes de concentration. Nous posons des gestes automatiques auxquels on accorde peu d’attention. Or, l’attention est nécessaire pour l’encodage, un des trois processus centraux à la mémoire. Malheureusement, les lobes frontaux, régions importantes du cerveau pour nos ressources attentionnelles, sont particulièrement vulnérables aux effets du vieillissement normal.
Donc, pour se rappeler de quelque chose que vous venez de faire ou que vous désirez faire, vous pouvez utiliser la stratégie « Voir et dire ».
Il s’agit de:
Si nous retournons au scénario que nous avions décrit au début de cette section, pour vous rappeler que vous avez verrouillé la porte, vous devriez bien regarder quand vous tournez la clé dans la serrure et dire à haute voix : « Je quitte pour aller au restaurant et je barre la porte. »
Vous passez peut-être bien du temps à chercher vos lunettes, vos clés ou votre téléphone cellulaire, ne vous rappelant pas où vous les avez déposés. Des bonnes habitudes d’organisation peuvent être considérées comme utilisant la mémoire procédurale. Pensez à organiser votre environnement en attribuant un endroit fixe où vous laissez des objets que vous utilisez rarement (ex., des documents financiers importants, certains outils) ou fréquemment (ex., vos clés ou lunettes de lecture).
3) Lier l’information
Une difficulté fréquente que les gens remarquent en vieillissant est la difficulté à se rappeler du nom de quelqu’un qu’ils viennent de rencontrer pour la première fois. Que faire?
Notre troisième stratégie de notre acronyme VOLER est l pour lier l’information. Il s’agit d’associer activement la nouvelle information dont vous voulez vous rappeler à des choses que vous avez déjà dans votre mémoire ou en donnant du sens à cette information. Si nous retournons à l’exemple du nom d’une nouvelle personne que vous rencontrez. vous pouvez faire penser à ce que son nom veut dire, créer une image mentale de son nom, l’associer avec quelqu’un d’autre ayant le même nom ou trouver des motifs quelconque.
Par exemple, si le nom de cette nouvelle personne était Marc Boulanger, vous pourriez penser à votre cousin qui s’appelle aussi Marc. Pour son nom de famille, vous pourriez penser que c’est le nom d’une profession. Alors, vous pourriez créer une image mentale de votre cousin Marc avec une baguette de pain dans ses mains!
On peut aussi utiliser la stratégie de lier l’information pour se rappeler de codes postaux, numéros de téléphone, titres de livres,…
4) Écrire
Vous voulez vous rappeler d’un rendez-vous chez le médecin dans deux mois. Que ferez-vous? Vous avez généralement l’écrire dans votre calendrier. L’acte de prendre en note de l’information vous aide à mieux vous rappeler de celle-ci, même si vous n’avez pas accès à votre note pour la relire. Contrairement aux croyances populaires, écrire des choses ne rend pas votre mémoire mauvaise or paresseuse. C’est une bonne stratégie d’utiliser des notes, listes, calendriers et autres aide-mémoire écrits ou digitaux.
Un organiseur-mémoire est un outil format papier ou électronique pour enregistrer la multitude de choses dont vous devez vous rappeler. Généralement, vous devriez avoir un outil qui aurait les sections suivantes:
Sans aide-mémoire externe, il est fort probable que vous aurez des difficultés avec la mémoire prospective, c’est-à-dire la mémoire des événements futurs. Malgré le fait que vous prenez probablement des notes, un autre défi est de se rappeler de les consulter! Comme nous notions ci-dessus, il est souvent d’avoir un seul outil contenant toute l’information pour que rien ne nous échange. Il faut aussi travailler à établir une routine de consultation de cet outil. Par exemple, on pourrait le consulter avant de se coucher, en se levant le matin ou lorsqu’on prend ses médicaments.
5) Récupération
Comme cinquième stratégie, nous suggérons la récupération. L’idée de cette technique est de pratiquer le rappel d’information en la répétant. Une façon particulièrement efficace d’utiliser la récupération comme stratégie de mémoire est de répéter l’information en augmentant l’intervalle de temps entre les moments de rappel. Au début, vous devriez répéter l’information quelques secondes plus tard. Graduellement, vous pourrez augmenter la longueur de temps entre les répétitions. Les répétitions à de courts intervalles font appel à la mémoire immédiate tandis que les répétitions à intervalles plus longs font appel à la mémoire récente. Cette technique vous permet donc d’utiliser votre mémoire immédiate pour aider à transférer cette information dans la mémoire récente.
Vous pouvez utiliser cette technique pour mémoriser des noms, de numéros essentiels (comme un NIP!), des dates importantes,…
Nous espérons que cette section vous a fourni plus d’informations sur votre mémoire et vous a donné de bons outils pour maintenir et améliorer son fonctionnement. Si vous voulez en savoir plus, joignez-vous au « Programme mémoire et vieillissement »!
Texte rédigé par Iris Yusupov et Geneviève Quintin